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Espoir du Roc - Téléthon de Granville Terre et Mer
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Témoignages de malades
Un site spécifique de témoignage sur les maladies génétiques et plus particuli&eegrave;rement sur les maladies rares a été conçu il y a quelques mois. Il a pour but de donner la parole à ces malades trop souvent ignorées par l'industrie pharmaceutique.

http://www.maladies-rares-orphelines.fr

A titre d'illustration, voici deux témoignages disponibles sur ce site:

Témoignage de Frédérique

Bonjour, je m'appelle frédérique, j'ai 46 ans, depuis mon plus jeune âge "je suis fragile". C'est la phrase que j'ai le plus entendu, je me fais mal pour un rien, pour un choc même minime. J'ai été opéré 40 fois pour être exact, une bonne partie d'entre elles sont des reprises ou des complications. J'ai le syndrome d'ehlers danlos, le diagnostic est tombé il y a 3 ans de çà, 1 peu tard pour revenir en arrière, en effet je n'aurai jamais dû subir toutes ces interventions qui ont fait de ma vie un cauchemar! Ces opérations comportaient de gros risques, hémorragies, ruptures d'organes, cicatrisations atrophiques, fibroses qui chez moi ont emprisonné des nerfs, des tendons, des vertèbres, des organes et l'ablation de certains... Je me luxe les membres, doigts, poignets, orteils, chevilles, poignets (en soulevant deux assiettes, en tournant une clef etc...) même en dormant et les os craquent tout le temps.
Les solutions, il n'y en a pas! C'est juste préventif, moi je porte des orthèses, pour soulager et maintenir les membres, collier cervical, corset, coussins et matelas anti-escarres, kinésithérapie très douce et normalement fauteuil roulant pour éviter les longs trajets, les muscles se fatiguent très vite.
J'ai beaucoup de mal à demander de l'aide et à montrer ma souffrance donc, je fais tout pour éviter de sortir paré de "mon armure", si on peut appeler ça comme ça!
Comment je vis cette maladie? difficile de répondre! Je vie avec "ELLE" et "MOI"! Je préfère la considérer comme 1 amie très proche, plutôt qu?une ennemie. Tous les jours je me lève avec d'atroces douleurs, plus la journée passe, plus mon corps s'épuise plus les douleurs sont intenses, j'ai des difficultés pour me laver, m'habiller, faire du ménage etc... le quotidien! Quoi! Mais le plus dur à encaisser, c?est "l'incompréhension" de la famille ou personnes plus ou moins proches. C'est vrai aussi que personne n'a entendu parler de ce syndrome! Si je rencontre une personne dans la rue, c'est toujours les mêmes questions, qui en fait n'en sont pas !
-"tu as bonne mine", "ça va!" ou encore, "tu as une bonne voix" ! etc... Ce sont des affirmations et non des questions! Un autre exemple, dans le SED pour éviter qu'on se déboîte, ou de trop fatiguer les muscles, il est nécessaire d'avoir un fauteuil roulant pour les petits ou grands trajets, mais là encore on se heurte à l'incompréhension des gens, là aussi: Comment peuvent ils comprendre que l'on aille à la boulangerie en fauteuil et qu'on en descende pour acheter une baguette? d'où leur étonnement. Pour finir, je vais dire que ce qui me sauve c'est que je suis une battante! Et je garde espoir qu'un jour les docteurs trouveront un traitement pour le SED et pour toutes les autres maladies orphelines.
Frédérique


Témoignage de Florence

Ma fille, ma bataille (Florence, maman de Delphine)

Née le 18 septembre en l'an 1985, mon bébé d'amour pèse 3.730 kg mesure 50 cm, et a 15 jours d'avance sur la date prévue pour son arrivée parmi nous.
Elle est belle, brune, potelée et sage. Etant donné qu'elle fut le seul bébé ce soir là, à venir dans ce monde, elle fut mise tranquillement dans une couveuse, pour garder la température de mon ventre, je l'admirais, de long en large, sa bouche ressemblait à un coeur, ses yeux gris-verts en amandes, le fond de l'oeil bleu, son petit nez retroussé, ses mains longues, mon Dieu je l'aimais déjà tellement.
Nous sortons de la clinique une dizaine de jours après sa venue au monde, comme j'étais fière, elle était sage comme une image. Ses nuits, je souhaite les mêmes à toutes les mamans, le dernier biberon à 23.00h et le premier à 06.00h. Une enfant douce, comme tous les bébés ordinaires.
En janvier 86, nous déménageons pour un appartement plus grand, elle aura sa chambre à elle.
A 3 mois, j'essaie de lui donner à manger à la cuillère, et ô surprise elle a compris, elle a tété les premières bouchées mais a saisi très vite qu'il fallait ouvrir la bouche ...
A 6 mois Delphine a fait son premier petit pissou sur le pot.
A 9 mois elle pesait 12 kilos, un bibendum ... elle commence à marcher et à dire quelques mots, tels que mam, paaa, imite bien le chien, le cheval, le chat et le poisson.

A 1 an, elle marche, elle ne s'arrête pas de marcher, c'est une cavaleuse, tout est parfait jusqu'à ses 18 mois, là un petit « truc » me gêne, elle se balance d'avant en arrière sur le canapé, et se jette littéralement en arrière, la tête rebondie et cela la fait rire aux éclats, j'en parle à la pédiatre qui la suit, qui me rassure en me disant qu'il n'y a rien de grave, sa fille qui a douze ans, le fait encore ?. Mais d'autres petits « trucs » se greffent, elle ne prend plus sa fourchette pour manger, ne tient plus son biberon lorsqu'elle a soif, mais je me dis, que c'est une grosse fainéante, et qu'elle préfère se faire servir... Premier rendez vous pris, chez un autre pédiatre, celui du fils du parrain de Delphine, deux avis valent mieux qu'un.
Personne assez dure, sèche et cruelle. Madame votre enfant a un problème, soit c'est un désordre psychologique, soit un grave désordre neurologique. Mais qu'est ce qu'il me dit lui, moi je ne comprends pas, ma fille est belle en parfaite santé, marche, parle, mais d'accord se sert de moins en moins de ses mains. Sa marche est bancale, mais elle existe, c'est vrai qu'elle ne s'arrête jamais de marcher, pour le faire ? elle s'assoit, mais ne se relève jamais seule. Il faut donc prendre rendez vous chez un psychiatre, et faire des examens complémentaires, eeg ... scanner, enfin ça y est nous rentrons dans ce que toute maman appréhende, les hôpitaux et tous les examens que l'on va faire sur son bébé.

Le psy me dit, que Delphine est autiste, je repars de chez lui complètement bouleversée, mais qu'ai-je pu rater de si important, c'est de ma faute, j'ai du ignorer quelque chose, je me sens fautive, vidée, et coupable.
Entrée à l'hôpital, quelle horreur !!! Voir son enfant décortiquée par tous ses médecins qui sont si inhumains, j'ai envie de crier, de leur dire que ce n'est qu'un bébé, qu'elle n'a rien, que c'est une erreur de diagnostic, qu'ils se trompent ... EEG est fait, le verdict tombe, une légère irritation au cerveau, coté droit. Du charabia pour moi tout ça, une dame me dit ne me pas m'inquiéter, que beaucoup d'enfants ont la même irritation et ce n'est pas pour cela qu'ils sont différents des autres, qu'ils peuvent très bien vivre sans problème avec ...

Ils en profitent dans cet hôpital pour lui faire tous les examens complémentaires pour le scanner, donc prise de sang, vous savez que la maman n'a pas le droit de rentrer tenir son enfant pour le calmer, non ils vous claquent la porte au nez, en emportant votre petit bout d'amour. Vous l'entendez hurler, vous voyez par la vitre de la porte qu'ils sont entrain de la « saigner à blanc » car ils n'arrivent pas à trouver les veines, mon sang n'a fait qu'un tour, je suis rentrée malgré leurs interdictions, malgré le fait qu'ils se soient permis de me repousser, j'ai hurlé, et j'ai récupéré mon enfant, qui s'est immédiatement calmée dans mes bras, et là ô miracle ils ont pu la piquer, je pense que vous imaginez fort bien les réflexions acerbes que j'ai pu leur faire.

Nous prenons donc rendez-vous pour le scanner, en juin. D'autres examens ont été pratiqués, celui des oreilles, l'oto-rhino me dit, madame, votre fille entend aussi bien les mouches voler que les fourmis tousser ?. Ma fille n'est donc pas sourde. Puis ce fut le tour des yeux, Delphine avait sur son nez des lunettes que j'avais essayé d'améliorer par la monture, ma fille louchait d'un oeil ....

Elle n'a gardé les lunettes que 4 mois, ce strabisme est parti comme il était venu ...
Rentrée à l'hôpital de jour. Vers 07.00h du matin nous y sommes, elle devait passer avant 09.00h, à 11.00h elle est toujours là dans son lit à barreaux, calme sereine, tranquille. Ils viennent me la chercher à 12.30h, elle n'a pas mangé, ils m'interdisent l'entrée, je ne la retrouve que vingt minutes plus tard, le visage marqué par le masque à éther. Nous attendons, un scanner est si vite lu...
Nous attendons des heures, et le souci grandit, elle a quelque chose, c'est pas possible... puis vers 19.30h, les hommes en blouse blanche arrivent, et sans se presser, sans penser que les parents sont en attente, se rongent les sangs, se font un souci monstre ...
- et bien mais vous êtes encore là ???
Question stupide, nous qui attendons depuis des heures le résultat, et bien nous n'avons rien vu, tout va bien, je les aurai tous tués de mes mains ... j'en pleure de délivrance, mon bébé n'a rien, elle vit dans son monde à elle, mais grâce à mon amour elle va en sortir, elle va redevenir la petite fille qu'elle était, j'en suis sûre ... Mais une chose aussi dont je suis sûre, plus jamais, elle ne remettra les pieds dans cet hôpital.

Nous arrivons à la période de régression des enfants de Rett. La période où nos filles, nos « starettes », ignorent absolument tout le monde. J?en ai terriblement souffert, et d?en parler me procure encore des larmes, comme j?ai pu me sentir inutile, rejetée. J?avais beau lui parler, rien ne retenait son attention, je ne faisais pas partie de son monde, j?en étais exclue ! Elle vivait pour elle, par elle, à travers elle. Nous étions dans cet appartement au rez de chaussée, elle marchait du salon à la cuisine, allait taper avec sa main droite sur le banc en bois, revenait au salon, faisait demi-tour et repartait vers la cuisine pour retaper à nouveau sur ce banc. O comme j?aurai aimé être à la place de ce morceau de bois, elle aurait communiqué au moins avec moi.

Cette régression a commencé juste après une courte séparation de mon enfant, pas de vacances pour nous, alors je l?ai confié à quelqu?un de la famille, ma mère ? (Je ne sais et ne saurai hélas jamais ce qu?il a pu se passer. Mon ange m?en a-t-elle voulu ? A t?elle pris ceci comme un abandon de ma part, a-t-elle compris que ce n?était pas le cas ? Mais que c?était pour raison majeure. Avec du recul je réalise que j?aurai du prendre un congé sans solde, ou comme la plus part des personnes auraient fait, me faire mettre en « maladie »).

Je ne m?en suis pas rendue compte immédiatement, ce n?est qu?en regardant les photos, des années après, que cette régression transpire sur son visage, elle fêtait son premier anniversaire. Comme elle était triste ! Bizarrement, dès le retour à la maison, son expression a changé, elle avait retrouvé son « chez soi », oserais-je dire sa maman ! Les semaines ont passé, elle continuait à marcher du salon à la cuisine, et si le banc pouvait parler, il dirait combien de tapes de ses petites mains il a reçu.

Début septembre 87, je refais faire un EEG, mais dans l'hôpital de mon choix, je tombe sur une neuro-pédiatre, douce, compréhensive, gentille. Elle me dit que Delphine n'est pas autiste. Elle me pose des questions, et apprend la bonne nouvelle, je suis enceinte !!!

Rentrée scolaire de Delphine, dans une école privée, qui l'accepte avec sa couche, elle y va pour commencer le jeudi matin et le vendredi matin, car tous les mardis matin elle va au CAMPS.
A Noël, sa maîtresse me dit : Comme je suis contente, Delphine a bien suivi la chanson « tapent, tapent petites mains » elle a tapé dans ses mains !, je retourne voir la neuro, qui me dit de ne pas m'inquiéter outre mesure, Delphine chante dans sa tête, qu'elle va finir par moins le faire ...

Nous partons en vacances au mois de janvier 88, au soleil, avec des amis, Delphine tape de plus en plus dans ses mains, et fais même du bruit, la marche devient de plus en plus chancelante, mais dés qu'on lui donne la main tout rentre dans l'ordre, elle revient petit à petit vers nous, elle nous regarde et sourit, de sa bouche plus une seule parole ne sort ... Mon ange n'a alors que 2 ans et 4 mois.

En rentrant trois semaines après, je me pose tant de questions, qu'a ma fille, une légère irritation au cerveau, n'est pas sourde, ni autiste, alors qu'a-t-elle ???? Tant de questions que toutes les mamans en attente d'un verdict peuvent se poser, c'est la descente aux enfers de rester comme ça sans mettre un mot sur ce dont souffrent nos enfants ... Mais je me suis renseignée auprès d'un médecin sur Paris, qui travaillent dans l'hôpital « des enfants malades », au vue de ma description de Delphine, cette femme me dit, cela ressemble au syndrome de Rett , mais il faudrait que je la voie.

Donc rendez-vous chez la neuro . J'expose carrément le verdict qui m'a été donné, la neuro devient pâle, et me demande comment je sais ? je lui explique, et attend enfin des commentaires. Et c'est alors le 21 mars 1988 que je sais enfin ce dont ma fille est atteinte, Delphine est une enfant Rett. Je veux tout savoir, je tape le point sur la table car la neuro ne veut pas me dire, je suis enceinte de plus de cinq mois. Elle ne peut pas me dit elle.

Je vois rouge, et j'imagine le pire, alors ma question est : combien de temps ????
Madame, votre fille va se paralyser vers l'âge de trois ans, et attendez-vous à la perdre au début de l'adolescence... mon monde s'écroule, mon enfant chérie, ma vie, mes yeux, mon Amour, ne sera plus de ce monde dans dix ans, il ne lui reste que dix ans à vivre...

Je ne peux le croire, elle se trompe, ce n'est pas possible, je suis si seule, si peu armée, si désemparée. Je décide donc d'aller consulter un spécialiste en syndrome de Rett, j'ai rendez-vous le 6 mai 1988, je pars avec mon petit bout d'amour, chez mes parents. Nous arrivons Delphine, mon gros ventre et moi à Montpellier, le rendez vous est fixé à 10.00h, à 10.30 le verdict est confirmé, Delphine est une starette, aucun traitement n'existe, mais il lui préconise un traitement contre l'épilepsie, car ces enfants sont épileptiques, Dépakine et Tégrétol..

Un choc, énorme choc pour moi, ma fille ne sera pas comme les autres, elle sera différente, et cet enfant que j'ai en moi, un garçon qui est attendu pour le 4 juillet, comment va t'il ressentir ma souffrance, mon mal-être ?. Je n'y pense plus, toutes mes pensées vont vers elle, cette enfant que j'aime plus que ma vie, comment vais-je gérer la sienne.

Retour à la maison, triste, vide, je n'ai plus de larme, suis anéantie. Je n'arrive pas à me ressaisir, pourquoi elle ? Pourquoi est-ce tombé sur moi ? Qu'ai-je donc fait pour être punie ainsi, par quelles épreuves vais-je devoir passer, tant d'examens, tant de blouses blanches, tant d'espoir qui n'aboutiront jamais... ceci dure quelques heures, quelques jours, mais sûrement pas quelques semaines, car mon enfant, celui que je porte, ne veut plus rester en moi, le choc du verdict, non il lui reste encore sept semaines à se peaufiner, c'est trop tôt, non pas lui non plus.

Nous déménageons pour un appartement plus grand, à chaque enfant sa chambre. Le 29 mai François arrive, septicémie. Je repartirai de la clinique sans mon fils, cela va durer une dizaine de jours, nous faisons Delphine et moi tous les jours les allers retours, nous allons voir ce bébé énorme par rapport aux autres, 3.500 kg pour un préma. Quelle force de la nature cet enfant !.
Il va m'aider, j'en suis sure, il est arrivé avant pour ça, pour que j'évite de tomber dans de sombres pensées, la maladie de Delphine est donc mise au second plan, place à ce petit homme qui se bat pour sa vie.
Tout va bien pour lui, (c'est un ado de 16 ans et demi, mesure 1.86m et fait du 46 de chaussures).

Juin 88, Delphine ne peut plus rester dans une école « normale », placée dans une IME, disputes avec les psychiatres, j'ai une grosse haine vis à vis d'eux, ils voient nos enfants un quart d'heure tous les quinze jours, et se permettent de nous dire ce qu'il faut faire, comment il faut agir avec eux, ils sont vraiment trop nuls.

L'IME équipe Delphine d'attelles, vous voyez « Robocop ? », et bien ma puce ressemblait à ça, une sur la jambe droite qui part de la chaussure jusqu'à l'aine, et l'autre sur la jambe gauche qui part de la chaussure aussi jusqu'au genou, mais elle continue à marcher, quel courage, quelle leçon d'humilité elle me donne chaque jour.

Les médecins de l'IME me parlent d'une opération des tendons d'Achille, non dis-je, non, je ne veux pas.
Elle restera dans cette IME jusqu'en 93, car pour une question de restructuration, les enfants seront plus prés des parents, ouf enfin une bonne nouvelle. Elle fera donc sa rentrée avec deux de ses amis, dans une nouvelle IME plus proche de la maison. J'ai oublié de dire que le père n'a pas supporté le verdict, nous nous sommes séparés quand mes enfants avaient trois ans et demi, et onze mois.

Je passe sous silence cette séparation.

J'ai de nouveau déménagé pour plus de facilités, j'ai obtenu un appartement aussi grand, mais avec ascenseur.

Mars 94, la nouvelle IME enlève enfin les attelles de Delphine, la marche est toujours là, mais je ne suis jamais loin derrière elle, j'ai si peur qu'elle tombe, elle est déjà tombée, elle n'a pas le réflexe de mettre ses mains pour se protéger, combien de fois ai je du aller aux urgences pour lui faire mettre des points, je ne les compte plus.

Avril 94, l'IME a trouvé les mots qu'il fallait pour que je fasse enfin opérer Delphine des tendons.

C'est sa première anesthésie générale, je ne suis pas rassurée, mais la kiné de l'IME assistera à l'opération, me voilà donc plus sereine. L'opération s'est déroulée le mieux du monde, Delphine récupère à une vitesse grand V, et nous pouvons même sortir le lendemain.

De retour à la maison, Delphine continuait avec mon aide bien sûr, à marcher avec ses plâtres, enfin sensationnelle !!!! Trois semaines plus tard, elle marche avec ses chaussures, c'est un plaisir de la voir, mais je ne suis jamais loin derrière.

Elle ne parle plus du tout, ne prend plus rien dans les mains, et comble de tout ceci, commence à faire des absences partielles d'épilepsie. Prises de sang tous les trois mois pour surveiller le dosage. Quelle galère de piquer ma fille, car les tendons des bras sont aussi plus courts, elle ne tendra plus jamais ses bras, ils restent toujours à hauteur de la poitrine. Mais à force de persévérance et du travail que je fais avec elle, son bras gauche descend maintenant à l?aine, et son bras droit se déplie plus facilement qu?avant, mais reste quand même à hauteur de la poitrine.

Par contre ne se tape plus aussi souvent qu'avant les mains, elle semble de plus en plus présente, elle commence enfin à s'intéresser à tout ce qui l'entoure.

Je ne veux pas faire de la fausse modestie, mais je suis « son » monde, elle n'a d'yeux que pour son frère et moi. Les autres, elle les regarde mais s'en désintéresse aussi vite. Elle vit donc sa petite vie tranquille. Mais elle va rentrer dans l'adolescence, et mes peurs remontent, combien d'années, combien de mois, combien de semaines, combien de jours lui reste t il ? Et mes doutes tous les matins, lorsque je me lève, est-elle encore en vie, je ne dors plus de peur de ne pas l'entendre.

Que vais-je devenir sans elle ????

Trois années passent, Delphine vit sa vie à elle, elle est toujours là. En juin 97, j'accède à la propriété, une maison de plein pied, avec piscine. Elle qui adore l'eau, elle va devenir un vrai petit poisson. Elle fait des petits progrès, elle a repris un peu de motricité dans les mains, en la sortant du bain je la fais se tenir au lavabo pour pouvoir l'essuyer, et ô joie elle tient, et en profite pour se regarder dans la glace, la coquette !!!

Je ne sais pas, si cette maison lui plait, lui apporte des ondes positives, mais ma puce est de plus en plus présente, elle communique énormément avec ses yeux, et beaucoup plus réceptive à ce et à ceux qui l'entourent. Elle est heureuse de vivre, même si elle ne parle plus depuis longtemps, elle arrive à se faire comprendre. Elle dort bien, même énormément, elle mange bien, plus que son frère, elle grandit peu, mais elle grandit. Elle est jolie et je l'aime plus que ma vie.

C'est mon rayon de soleil.

Septembre 2000, Delphine a 15 ans, un pied de nez à la médecine. Tout va bien, enfin pour elle.

Septembre 2003, Delphine fête ses 18 ans, encore un pied de nez à la médecine. L'adolescence est passée, ma fille est une battante !!! Je vis mal, j'ai si peur pour elle, elle a gagné 6 ans sur le verdict annoncé.

Mon Dieu ! Faites qu'elle vive encore longtemps, mais qu'elle parte avant moi. Je ne veux pas qu'elle soit un poids pour son petit frère, vivre avec elle, ne doit pas être bien réjouissant pour un enfant ordinaire, pas de jeux en commun, pas de secrets, aucune dispute, mais je sais qu'il aime sa grande soeur.

Novembre 2003, tellement fatiguée de soulever Delphine que je me fais un tour de reins, et c'est à cause de ce dernier qu'un dimanche Delphine me glisse des mains dans le bain, elle se retourne et tombe sur les dents. Du sang partout dans la baignoire, plus de dent. Mon coeur n'a fait qu'un tour, je crois qu'en l'espace d'un instant j'ai hurlé toute ma souffrance.

Urgences.

Opération prévue pour le lendemain, il faut aller rechercher les dents qui sous le choc sont remontées dans leurs cavités, encore une anesthésie générale. Elle part au bloc à moitié groggy, je l'accompagne, lui tiens la main pendant que l'anesthésiste la pique, elle ferme les yeux tranquillement.

Je descends fumer une cigarette, l'attente va être longue, entre l'endormissement total, l'opération et le réveil, je me ronge les sangs, et toutes ces foutues questions qui reviennent sans arrêt, va t'elle se réveiller ?

Pas le temps de penser, le téléphone sonne, on me demande au bloc, mon coeur chavire, je pleure.

Je pense, elle n'a pas supporté l'anesthésie ? Ma fille, mon Amour, je me rhabille en vert, et je vois le chirurgien, qui ose me dire que les dents de Delphine ne tiendront pas, car ses gencives ne sont pas assez dures pour réimplanter les dents, alors je lui dis que l'on pourra faire des implants, non me répondit-il, si j'étais la mère j'enlèverai tout.

Ma colère gronde, et lui répond « vous n'êtes pas la mère, vous ne savez pas ce que peut ressentir ma fille, elle est coquette, et je veux que vous lui redescendiez les dents, je veux que ma fille ait toujours autant de plaisir à se regarder dans la glace, et que lorsqu'elle sourit aux gens qu'elle soit toujours aussi jolie à regarder.

Après ses réflexions telles que « Madame, votre fille ne se rendra pas compte qu?il va lui manquer ses deux dents » Il a écouté, a redescendu les dents de mon ange, et je connais son pouvoir de cicatrisation, ses dents tiennent, encore une victoire pour elle. Ce chirurgien dentiste a eu le « culot » de me dire lorsqu?il lui a enlevé les fers qui tenaient les dents, « ah ! j?ai fait du bon boulot, je suis content de moi » pauvre tâche que tu es .. c?est grâce à moi et à ma ténacité qu?elles sont là les dents de ma fille !

Décembre 2003, au vu de la nouvelle loi sur l'attribution de la catégorie du handicap Delphine qui était en 3eme catégorie est déclassée en 1ere. Malgré mes demandes de révision de leur barème, de faire du cas pas cas, la CDES reste intransigeante.

Je saisis donc le tribunal de l'incapacité pour essayer de replacer Delphine au moins en 2eme catégorie. En attente, mais je perds presque mille francs par mois.

Février 2004, je suis légalement tuteur de ma fille. Nous avons vu une seule fois un psychiatre désigné par le tribunal de grande instance, pour notifier qu'elle est inapte à faire quelque chose par elle-même. Qu'une tierce personne doit être présente à chaque moment de sa vie. Lorsque mon fils aura atteint sa majorité, je demanderai qu'il soit lui aussi tuteur (en second) de sa soeur.

Mars 2004, convoquée à l'IME, Delphine aura 20 ans l'année prochaine, il est donc temps de s'occuper de son futur placement, d'une IME elle devra passer en MAS. Je refuse pour le moment, elle n'a pas encore 19 ans, nous avons le temps, elle est si bien dans cette IME ,mais je me plie aux règles, donc je prends rendez-vous pour visiter une MAS à quelques dizaine de kilomètres de la maison, il est pour le 6 avril. Mais ce jour là, Delphine est sur la table d'opération, encore une anesthésie générale, fracture engrainée du col du fémur, elle a fait une crise plus importante que les autres, elle n'arrivait pas à reprendre son souffle, j'ai eu peur, très peur, j'ai cru que c'était la fin, lui ai même claqué les joues, crié son prénom, et enfin fini de la tourner sur le coté pour qu'elle reprenne un souffle de vie, et « crac » un bruit, mais comme elle n'a rien dit, je n'y ai pas prêté plus d'attention que ça, ce n'est que le lundi que je suis allée faire des radios, car elle ne voulait plus rester assise.

Nous sommes restées une semaine à l'hôpital, elle était si pressée de rentrer chez elle, elle est restée un mois à la maison allongée dans un lit verticalisé, ses 11 points sont magnifiques.

Depuis j'ai une infirmière qui vient m'aider pour la toilette, deux fois par jour.

Septembre 2004, Delphine a 19 ans, elle va très bien, fait des absences partielles que trois jours avant ses règles, ou lorsqu'une personne qu'elle ne ressent pas, va venir.

L'IME me contacte, cela devient urgent, mais les coups de téléphone que je peux donner pour faire intégrer ma fille dans une MAS, restent stériles, il n'y a pas de place, il faut attendre qu'un de nos pensionnaires décèdent pour accepter votre fille, où encore la MAS n'ouvrira ses portes que dans trois ans ...

Coup de téléphone fin novembre 2004 de la directrice de l'IME, qui voulait savoir où j'en étais dans mes recherches pour le placement de Delphine. Elles sont caduques, alors réponse de l'IME, si en septembre 2005, mois des 20 ans de ma puce, je n'ai rien trouvé,
- ou je quitte mon travail pour m'occuper de ma fille,
- ou il faut trouver une tierce personne qui va s'en occuper.

Etant famille monoparentale les deux solutions imposées ne peuvent se concrétiser. Alors je commence à ruer dans les brancards, que dit la loi Creton ?

Elle me sauve cette loi, si je n'ai pas trouvé de MAS, l'IME est obligée de garder ma fille jusqu'à ce qu'une place se libère. Et choses à ajouter, l'association du Syndrome de Rett, me dit par téléphone, que nul n'est censé ignorer la loi, que Delphine peut rester encore trois ans dans cette IME, que je peux refuser jusqu'à trois MAS proposées si elles ne me conviennent pas, que vue ma situation de famille, et l'état de santé de Delphine, je ne dois pas accepter une MAS a plus de cinquante kilomètres de chez moi.

Pour ce qu'il en est de mon appel au tribunal du contentieux de l'incapacité, je viens de recevoir une lettre de ce dernier me donnant enfin un numéro d'attente, je serais avertie quinze jours avant que mon affaire passe.

Nous sommes en nov 2005, j'ai donc attendu presque 2 ans avant de pouvoir passer devant le TCI, une horreur ... les familles monoparentales ne sont hélas pas ou peu reconnues, mais je prefere ne pas m'étendre sur ce sujet, avoir un enfant handicapé est un luxe !!!

Delphine a maintenant 20 ans, elle ne dépend plus de l'AES mais de la COTOREP, et comme aucune place en MAS ne s'est liberée j'ai encore la chance de profiter de ma fille tous les soirs.

C'est mon rayon de soleil, ma joie de vivre et je l'aime du plus profond de mon âme